Les motifs du départ des Khrapunov pour la Suisse
Le 29 octobre 2007, je me trouvais à Genève, où résidaient mes enfants aînés et où mon premier petit-fils venait de voir le jour.
Ce jour-là, je vis sur la chaîne Caspionet (Kazakh TV) la retransmission de la session de la Commission gouvernementale. Je compris alors que je devais immédiatement prendre un vol pour Astana afin de soutenir Viktor Viatcheslavovitch, confronté aux perfides manigances du clan Nazarbaev.
Peu avant mon départ pour la Suisse, nous avions évoqué, avec Viktor Viatcheslavovitch, la possibilité que moi-même et notre fils nous installions pour de bon en Suisse, où vivaient déjà mes enfants aînés. À ce moment-là, Viktor Viatcheslavovitch n’avait pas encore définitivement décidé de quitter le Kazakhstan.
Nous envisagions cette option parce que nos relations personnelles s’étaient refroidies, du fait de nos fréquentes périodes de séparation dues aux obligations professionnelles de Viktor Viatcheslavovitch, qui avait travaillé durant deux ans dans la région du Kazakhstan oriental, puis à Astana.
Peu avant, la capitale du pays avait été transférée d’Almaty à Astana, ville dépourvue des infrastructures nécessaires à l’accueil des familles des membres du gouvernement, des députés, du personnel des ambassades et des employés des entreprises publiques. C’est pourquoi les familles de la plupart des fonctionnaires affectés à Astana étaient restées vivre à Almaty. De nombreux couples se séparèrent à cause de ce transfert, conséquence directe de la décision improvisée sur le transfert de la capitale que le président Nazarbaev avait prise de façon autoritaire et imposée au Parlement. Notre famille ne fit pas exception à la règle.
De 2004 à 2006, Viktor Viatcheslavovitch avait dû changer à deux reprises de lieu de résidence, du fait de sa nomination à différents postes par Nazarbaev. Il avait ainsi déménagé d’Almaty à Oust-Kamenogorsk, puis à Astana. Je n’avais pas pu l’accompagner, devant rester à Almaty, d’abord parce que mon fils y était scolarisé puis, à partir de 2006, parce que ma présence y était indispensable à la fois pour surveiller les procédures de liquidation de mes entreprises et pour poursuivre mes activités commerciales.
C’est dans ces circonstances que, durant mon séjour à Genève, je vis sur Caspionet (Kazakh TV) un reportage sur la session de la Commission gouvernementale présidée par le premier ministre Karim Massimov, qui se permit de lancer à l’encontre de Viktor Viatcheslavovitch des accusations délibérément fausses. Ayant moi-même travaillé au sein du gouvernement du président Nazarbaev, je compris immédiatement que Massimov était en train de déclencher une attaque en règle contre Viktor Viatcheslavovitch. C’est pourquoi je partis sur-le-champ pour Astana. Une fois sur place, mon époux et moi-même décidâmes définitivement de nous installer en Suisse.
Le 29 octobre 2007, Viktor Khrapunov adressa à Noursoultan Nazarbaev une lettre l’informant de sa démission.
Nous arrivâmes en Suisse le 9 novembre 2007. Le 2 mars 2008, nous obtînmes un permis de séjour officiel dans le canton de Genève. Notre fils, qui avait onze ans, entra à l’école internationale de Genève. L’année suivante, il rejoignit un célèbre collège, l’Institut La Rosey.
Nous avions l’intention d’ouvrir en Suisse une fondation de bienfaisance. Nous rencontrâmes des avocats pour discuter de la création de cette structure et pour déterminer ses objectifs et son domaine d’activité. Par ailleurs, nous nous investîmes beaucoup dans les études de notre fils ; et nos enfants aînés eurent d’autres enfants, nos petits-enfants. Bref, nous vivions la vie normale de la plupart des familles.
Mais cette existence paisible prit fin en 2010, quand la police financière et le Comité de sécurité nationale du Kazakhstan (KNB) commencèrent à exercer des pressions sur mes parents qui étaient restés vivre au Kazakhstan, et sur la famille de ma sœur.
À partir de 2010, ma famille fit l’objet de pressions de plus en plus lourdes de la part de tous ces exécutants de la volonté du président Nazarbaev, qui utilisèrent contre nous tous les moyens à leur disposition — moyens étatiques, commerciaux et même criminels (à travers différents mécanismes de corruption).
Le gouvernement de la RK impliqua dans cette opération des personnalités politiques et de la société civile, des entreprises occidentales de lobbying, diverses structures privées et publiques de pays étrangers, y compris des agences de détectives.
Voilà maintenant bientôt dix ans que le président Nazarbaev persécute ma famille en Suisse et dans d’autres pays — une durée pour le moins considérable.
Ces persécutions ont été déclenchées après le refus de Viktor Khrapunov, en 2009, de faire un faux témoignage contre Moukhtar Abliazov.
Avec les années, ces attaques n’ont pas cessé ; au contraire, elles s’amplifient en permanence. Je pense que cette intensification s’explique par l’augmentation des budgets attribués par les représentants de Noursoultan Nazarbaev à des activités comme la surveillance des personnes, l’espionnage, le hacking, le paiement d’articles à charge dans les médias, la rétribution de divers services juridiques, l’achat de politiciens et la rémunération de divers lobbyistes à l’étranger. Et cela, sans parler des sommes puisées dans le budget de l’État pour payer les fonctionnaires de l’appareil du gouvernement de la RK en charge de la falsification des affaires pénales et des plaintes déposées contre les Khrapunov depuis 2010, ni des dépenses consenties pour financer la campagne ininterrompue visant les Khrapunov dans les médias et sur les réseaux sociaux.
En 2010, Viktor Viatcheslavovitch et moi-même nous sommes lancés dans des activités politiques et civiques, et avons commencé à révéler au grand jour les mécanismes d’enrichissement illégal de la famille Nazarbaev aux dépens des citoyens du Kazakhstan.
Après la parution en France, en 2013, du livre de Viktor Khrapunov accusant le pouvoir corrompu du président Nazarbaev, l’intensité des attaques contre notre famille par les autorités du Kazakhstan a significativement augmenté.
Ainsi, depuis 2010, ma famille fait l’objet de persécutions organisées de la part du président Nazarbaev. Ces persécutions ont pris de nombreuses formes.